La A.A.T.V. après Théo Varlet
Une fois Théo Varlet disparu, les comités ne cesseront pas pour autant leur activité, au moins dès l’instant même. Compte tenue du fait que “l’un de ses derniers vœux (de Théo Varlet), des plus ardents, fut la continuation de la Société des A. T. V. après sa fin”, ses dirigeants vont veiller à son maintient “avec les buts inscrits du vivant du grand poète au Bulletin AD ASTRA: aider jadis Théo Varlet, et maintenant sa veuve, – et protéger son nom, ses œuvres et sa gloire en France et à l’Étranger”.(26)
Ces quelques lignes sont extraites d’un document exceptionnel, celui qui a vraisemblablement été le dernier communiqué des Amis de Théo Varlet. Il a été publié par le Journal de Fourmies le 15 avril 1939, c’est à dire, six mois après le départ du poète. Des mots d’excuse justifient un tel retard:
“Dès octobre, nous aurions lancé la présente circulaire si nous avions pu avoir les adresses des A. T. V., bloquées à Cassis, et qui ne nous sont pas encore toutes parvenues, à notre vif regret”.(27)
Veiller à l’amélioration des conditions de vie de Sarah Varlet, aux prises de surcroît avec des désordres psychologiques depuis des années, devient donc le besoin le plus pressant à combler. À cet effet, un appel aux cotisations pour l’année 1939 est lancé à l’aide du nouveau trésorier de l’Association, Maître Paul Schaepelynck, notaire à Rue (Somme) :
“Mme T. Varlet, dont l’état de santé demeure très ébranlé, – héritière des richesses littéraires — se trouve à peu près sans ressources matérielles. Elle a grand besoin de notre aide pécuniaire. — Du vivant de T. V. toutes les sommes reçues lui étaient intégralement versées. Et il en distrayait à son gré les frais du Bulletin et de la correspondance. Pour ces frais notre trésorier prélèvera désormais sur chaque versement une cotisation littéraire de quinze francs. — Tout surplus sera versé intégralement et dans les conditions les plus sûres, à Mme Varlet”.(28)
Elle se termine par une triple déclaration quand à la nouvelle vocation de l’A.A.T.V.:
– L’émission d’un Bulletin commémoratif: “Nous espérons rendre à T. V. L’hommage qui lui est dû, par un Bulletin «In memoriam» (en octobre prochain, Ier anniversaire de sa mort), – digne de lui par le nombre et la valeur des hommages”.(29)
– L’Édition d’un volume de Théo Varlet: “Nous espérons voir notre ami C. Belliard (A.P.L.L.), en pourparlers à ce sujet avec T. V. à la veille de sa mort, publier bientôt le magnifique roman de notre ami: «Avant la nuit barbare»”(30).
– La diffusion d’un “Bulletin AD ASTRA dont nous espérons maintenir la périodicité trimestrielle”. Ce “prochain Bulletin vous renseignera sur les derniers mois de Théo Varlet”.(31)
On a beau chercher, on ne trouvera nulle trace de ce Bulletin commémoratif Ad Astra ou de ceux qui devaient lui suivre. Guère de trace nom plus de l’Association des Amis de Théo Varlet; le mouvement semble s’être éteint à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale et le lot de terribles calamités auxquelles beaucoup de ses membres ont dû faire face tout au long de celle-ci. Ce fut le cas notamment de Malcolm MacLaren qui, capturé par les Allemands aux îles du Canal de la Manche lorsque ceux-ci les prennent d’assaut, restera interné dans des camps de concentration en France et en Allemagne jusqu’en août 1944.
À l’élimination physique d’un grand nombre d’écrivains durant la guerre et à la destruction, en tout ou en partie, de leurs patrimoines littéraires, viendra s’ajouter, une fois la paix revenue, l’essoufflement des mouvements littéraires d’avant-guerre. D’autres courants plus en accord avec les inquiétudes intellectuelles, politiques et sociales d’après-guerre en prendrons le relai. Grand coup de balai qui devait placer sous le tapis l’œuvre et la mémoire de non peu d’écrivains tels que Théo Varlet.
Sarah Varlet, quand à elle, va se voir octroyer par la Société des Gens de Lettres, en juillet 1939, une pension destinée à la mettre à l’abri des soucis économiques(32). Elle a survécu à l’occupation de la France par l’Allemagne nazie – fait d’autant plus significatif qu’elle était d’origine juive – et a vu ses jours se prolonger jusqu’en 1974(33).
Des «richesses littéraires» de Théo Varlet, celles qui ont échappé à la destruction combinée du temps et des hommes refont peu à peu surface après être demeurées enfouies sous de tonnes d’oubli pendant des décennies. À nous de recruter de nouveaux amis de Théo Varlet et de faire lire Théo Varlet, écrivain «méconnu et mal connu», comme l’a un jour qualifié celui qui fut l’illustre président d’honneur des A.T.V., le Maître J.-H. Rosny Aîné.
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26- Les Amis de Théo Varlet. “Les Amis de Théo Varlet”. Lille: Le Journal des Fourmies. Louis Dubois directeur. 63e année – Nº 4270. 15 avril 1939: 5.
27- Ibid.
28- Ibid.
29- Ibid.
30- Ibid.
31- Ibid.
32- Journal des débats politiques et littéraires. Paris: 151e année – Nº 181. 30 juillet 1939. Page 3.
33- Varlet, Théo. Le dernier satire & autres récits. Éditions établie et présenté par Éric Dussert. Arras: Littera, 1997: 222. Éric Dussert fournit cette information sans en indiquer la source.
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