Àvant la nuit barbare III: À la recherche d’un éditeur II.

Continuation

Théo Varlet connaît un début d’année 1928 très difficile à Paris. Si matériellement, cest satisfaisant – vu les commandes de traductions obtenues(38), il se montre profondément désenchanté face aux échecs rencontrées tout au long de ses démanches. Son bilan est clair:

…cest la faillite des prévisions que javais présomptueusement échafaudées. Il est fort possible que, pour finir, je men retourne avec mes trois manuscrits de Christus dans ma valise – un refusé au Figaro (car Patin, sil fixe hypothétiquement sa parution à mars, ne la toujours pas lu), un refusé à la NRF (pas encore de réponse) sans compter le 3ème encore entre les mains du farceur Noel Sabord, complice de lhyper-farceur Fréderic. Je nai plus de nouvelles de lun ni de lautre depuis plus de 15 jours, et ne les désire pas; je me contenterai daller récupérer mon MS, les derniers jours(39).

Malgré le fait que Patin lui assure qu’il a passé le manuscrit de Christus Vincit à un nouveau lecteur et qu’il lui “rendra réponse bientôt(40), Varlet partira de la Ville lumière sans aucun succès:

Rien décidé à la N.R.F. pour C.V. Pas vu Lefèvre qui ne répond pas à mes demandes de rendez-vous, depuis 10 jours. Quant à Sabord, je lui redemanderai simplement mon MS (quil na pas dû ouvrir) pour essayer de le faire lire chez Michel…(41)

Nouvellement installé à Cassis, les mauvaises nouvelles ne tarderont pas à lui arriver:

Les deux copies de CHRISTUS qui étaient, lune à la NRF, lautre á la Nouvelle Société dÉditons, mont été retournées avec des excuses toutes honorables(42).

Il se laisse gagner par le désarroi:

“…jai bonne envie de classer au grainier une fois pour toutes ce manuscrit de malheur. Ça fera un inédit pour plus tard…(43).

Et lorsquil prend du recul une triste constatation  lui apparaît en pleine figure:

Je ne suis pas encore là de gagner «ma vie» avec des œuvres personnelles, même adaptées au goût du public(44).

Il importe maintenant dempêcher autant que possible la circulation des rumeurs concernant son fiasco; il fait savoir ainsi à Jules Mouquet:

Vous agissez confortablement à mon désir, en ne publiant les échecs de Christus. Je laisse croire également à ceux qui minterrogent, que «ça marche», lentement comme il sied, mais sûrement. Si le bouquin paraît un jour, ils verront bien quel éditeur(45).

Car sa situation économique précaire ne lui permet pas de jetter léponge. Il pense alors aux éditions Taillandier:

Ce sera ma dernière ressource. Car là, ils prennent «tout», me dit Postif(46), qui est plus familiarisé que quiconque avec les éditeurs parisiens. Je lai mis au courant (en partie, et lui demandant la discrétion…) des échecs rencontrés chez Plon et à la NRF. Et je lui demande dessayer de placer le MS, aux mêmes conditions businesques quil place certaines de mes traductions. Par ailleurs, je tente la chance, avec un autre MS (car sur les deux il y aura sûrement un refus au moins) chez Albin Michel. Il va sans dire que je ne compte plus sur le Figaro. Patin fait le mort, et je ne lui demande rien. Cette copie peut dormir là sans inconvénient, pour le moment (47).

Il ne pourra pas non plus compter sur Albin Michel car cette maison d’édition lui refusera aussi la publication de son ouvrage:

A. Michel nas pas traîné à me répondre au sujet de Avant la nuit barbare (C.V.). Refus, comme de juste”(48).

Un mois plus tard, le 15 avril 1928, les nouvelles transmises à Jules Mouquet continuent dêtre catastrophiques:

Normandy(49) mavait promis de veiller, chez Michel, à ce que la décision ne traînât point. Et en effet, jai eu réponse en moins de 15 jours. Le refus de Michel semble avoir piqué dhonneur ledit Normandy, qui soffre à présenter le manuscrit chez Flammarion, en le recommandant spécialement au lecteur, Marcel Berger, son ami, dit-il. Il sengage à «faire tout pour que ça réussisse»”(50).

Cest peut-être son indépendance farouche qui le pousse à dire au sujet de Georges Normandy:

Bien que je perçoive nettement la dose dhumiliation qu’il y a à devoir une «éventuelle» acceptation à un Normandy, jai accepté son offre – «à charge de revanche», ai-je très nettement spécifié; jen serai donc, si cela se fait par lui, pour quelque apologie de Normandy. Couleuvre à avaler(51).

Le destin voudra que ce soit précisément lui, Georges Normady, qui soit appelé à être l’éditeur de Cristus Vincit, mais pas en volumes, tel que nous allons le voir.

Dautre part – continue Théo Varlet – Postif, sous des éloges inévitables, me laisse entendre que ce roman «historique» ne sera pas commode à placer. Je vous avoue que léchec de ce bouquin me dégoûte profondément(52).

Leffet que cette suite de revers a sur lensemble de son œuvre personnelle est démolissant. Après une longue attente de quelques neuf mois, Varlet avoue tout franchement:

“…il y a déjà trop longtemps que je reste sur léchec du malencontreux Christus(53). Ce sinistre bouquin manuscrit «bloqué» a démoralisé mon goût de production personnelle depuis un an. Je ne puis cependant continuer à moudre des traductions dinepties, sous un pseudonyme, à perpétuité. Il faut que je sorte un nouveau roman, publiable. Et la rage accumulée au cours de ces longs mois de besogne inferieures a, je le sens, mis au point une réaction que Paris doit déclencher(54).

Car il sagit à pressent de se déplacer à nouveau à Paris et de prendre le dossier en main pour mettre fin à l’immobilisme dont il est l’objet. Durant cet autre séjour de deux semaines, les dernières du mois de décembre 1928, Varlet a entre autres l’intention de rencontrer le poète Armand Godoy(55) si, comme il me paraît probable daprès leur silence prolongé, ni Tallandier ni Ferenzy ne marchent(56).

À suivre…

38, 39- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 5 janvier 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 198.

40, 41- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 25 janvier 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 204.

42, 43- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 5 mars 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 210.

44, 45- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 12 mars 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 211.

46- Luis Postif (1887-1942): Traducteur d’Agatha Crhistie et Jack London. Il a travaillé en collaboration avec Théo Varlet sous le pseudonyme collectif de Richard de Clerval, notamment pour la traduction de la série de romans “Le loup solitaire”, de l’écrivain nord-américain Louis Joseph Vance. Il semble également avoir été l’agent littéraire de Théo Varlet pour toutes les questions liées à une partie de ses traductions personnelles.

47- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 12 mars 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 211.

48- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 5 avril 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 215. À noter qu’il est la premier fois que Cristus Vincit apparaît sous le nouveau titre d’Avant la nuit barbare. On ne connaît pas la raison de ce changement.

49-Georges Normandy (1882-1946): De son vrai nom Georges Charles Segaut. Écrivain, dramaturge et critique littéraire. Il a été collaborateur à La Revue contemporaine et assuma la direction de la revue La France active.

50, 51, 52- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 15 avril 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 216.

53- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 8 octobre 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 230.

54- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 8 décembre 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 233.

55- Armand Godoy (1880-1964): Poète d’origine cubaine très attaché au Parnasse et au symbolisme. Il fut aussi un collectionneur d’ouvres d’art et un grand bibliophile. Il maintient quelques années durant une assez proche relation avec Theo Varlet, qui ne manquera pas de donner à certaines revues littéraires des articles très élogieux à son égard.

56- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 8 décembre 1928. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 233.

Avant la nuit barbare II: À la recherche d’un editeur I.

Continuation

Les démarches entreprises par Théo Varlet afin de faire publier Avant la nuit barbare vont être aussi nombreuses qu’infructueuses. Les réponses de certaines maisons d’édition et journaux vont se faire attendre, tout particulièrement celles de Plon et du Figaro. L’énorme indolence observée porte à croire qu’il n’y a jamais eu un véritable intérêt pour la publication du roman, d’autant plus que, en apparence, personne ne semble avoir dédié un peu de son temps à la lecture du manuscrit.

Puisque Théo Varlet est déjà en relation d’affaires avec Plon – qui avait publié Le roc d’or quelques mois auparavant – c’est à cette maison d’édition qu’il décide de s’adresser en premier lieu. Depuis Paris, où il vient d’arriver le 1er août 1927, il écrit à Jules Mouquet et lui dit:

AVANT LA NUIT BARBARE. Un roman retrouve 002_Snapseed1ère besogne: porter Christus chez Plon”(8).

En réalité, il a plutôt l’idée de le faire publier premièrement en feuilleton dans les pages d’un journal – affaire plus payante – et en volume par la suite:

“…on m’a conseillé d’aller voir d’abord à l’Écho de Paris; mais il faudra sans doute, pour cette gazette, édulcorer tous les passages «indécents»! Ce à quoi je suis résigné d’avance”(9).

La réponse de ce journal est immédiate:

L’Échos de Paris n’a rien voulu savoir, par principe: il faut uniquement, là, des feuilletons à l’eau de rose, m’a dit Franc-Noahin(10)!”(11).

Il décide alors de soumettre sa deuxième copie du manuscrit au Figaro:

J’ai laissé à Patin(12) mon MS B. de C.V.; mais je crains que ce ne soit très long à avoir une réponse”(13).

Au cours du même jour, il cogne aussi à la porte des Éditions Radot:

Chez Almira(14), causé une heure de tous sujets… En cas de malheur chez Plon, pour C.V., il serait très heureux de l’avoir… Mais je considère Almira, provisoirement, comme une simple relation d’attente…”(15).

Le 5 août, c’est au tour de L’Intransigeant, où Fernand Divoire(16), son rédacteur en chef, se montre disposé à prendre en charge l’édition de l’un de ses prochains romans. Nonobstant, “C.V. ne le tente guère, surtout comme titre… qu’il a ironisé plaisamment en: «Christus… quel As!»… pour faire «plus moderne»(17)… Notez que j’avais entendu: «C. Kélas»… c’est-à-dire un mot vaguement grec associé au latin. Mon spirituel interlocuteur a bien ri de ma méprise, et en a été d’autant plus fier de son «mot»”(18).

Il tente aussi Le Temps:

Au Temps, c’est à un certain M. Poirier (19) que j’aurai affaire, paraît-il. J’hésite encore à porter le MS nº 3, car si C.V. était pris au Figaro et au tempsMieux vaut attendre, pour essayer le Temps, d’avoir la réponse du Figaro… ”(20).

Malgré tout, une semaine plus tard rien n’a l’air d’avancer:

Pour C.V., les choses en sont restées où je vous l’ai dit: un MS chez Plon, et un au Figaro”(21)…

Tout en lui réitérant ses intentions premières, il fait savoir à Jules Mouquet:

J’attends la décision de ce dernier (du Figaro) avant de rien tenter au Temps, s’il y a lieu”(22).

Un mois s’est écoulé et Varlet se laisse gagner par son impatience:

Pas encore de nouvelles de Plon, ni du Figaro. D’ici 15 jours je  relancerai le 1er si rien ne vient...”(23). “Je sens que ma place, actuellement, est à Paris. Plon ne me donne pas de nouvelles de CHR… Et j’ai hâte d’entamer la vraie lutte pour une meilleure notoriété littéraire, qui doit signifier un rendement plus adéquat de mes travaux, dont je ne peux absolument me passer”(24).

Impatience qui fera peu après place à un désespoir légitime:

Je ne conclus rien du silence de Patin, au sujet de Christus, depuis 3 mois; mais, de la part de Plon, ça me paraît de mauvais augure. Je vous avoue que je serais très embêté, momentanément, si on ne le prenait pas là… Bien sûr, étant à Paris, je pourrais aviser à le placer ailleurs; mais la perte de temps!”(25).

Il se résout finalement à voyager à Paris pour se rendre, samedi le 7 novembre, chez Plon, où “Christus, ayant été lu par quelqu’un qui refuserait Quo Vadis, a dû être rendu en lecture à un autre juge; mais à ce que j’ai cru sentir, c’est pour le principe, et l’acceptation ne fait guère de doute”(26).

Malgré tout, ses craintes vont s’avérer justifiées:

Deux jours après m’avoir fait entendre que Christus serait accepté, la maison Plon m’a renvoyé hier mon MS, avec la lettre que je vous communique, ci-jointe”(27).

Offusqué, Varlet n’en démord pas pour autant; il continue de garder bon espoir de voir son roman être publié en volume:

Les résultats médiocres de la vente du R(oc d’)O(r), alors que traductions et reprod(uction) affirment la valeur du roman au p. d. v. grand public, m’empêchent de beaucoup regretter cet incident. Ailleurs, ce sera mieux lancé (…) Car Hachette me sollicite (je vous le dis entres nous) pour un nouveau roman d’anticipation. Je vais leur proposer Chr. et, si ça ne va pas là, il y a d’autres éditeurs”(28)…“il semble que je n’aurai que l’embarras du choix. Hachette, Sabord(29) … La N.R.F.? ”(30).

Les semaines à venir lui feront prendre conscience de son excès de confiance et de son manque de jugement.

Pour l’instant, il entend concentrer ses efforts sur la publication en feuilleton de son manuscrit par Le Figaro, où “grâce au souvenir de de Flers(31) et du Roc d’Or, Patin considère un peu C.V. comme un legs de Flers”(32). Et même si ce dernier lui avoue ne pas l’avoir encore luVarlet se montre positif et enthousiaste, tel que le laisse entendre le récit qu’il fait de sa visite à la rédaction du journal:

AVANT LA NUIT BARBARE. Un roman retrouve 010_Snapseed

Il m’a demandé qq renseignements sur la nature de C.V., la façon dont je l’ai traité; et ce que je lui en ai dit a paru le satisfaire. «Lisez-en la 1 page, ai-je ajouté, vous verrez tout de suite si ça convient». Justement, vous vous en souvenez le début de C.V. est tout «d’action», comme on dit à présent… Je serais tenté de croire que dans son idée C.V. est déjà accepté. – «Vous passeriez en mi-février seulement. N’est-ce pas trop vous faire attendre»? – «Rien ne presse. Je ne parais pas en volume avant avril», ai-je lâché froidement… D’ici un mois je retournerai voir Patin lui demander réponse ferme”(33).

Nonobstant, un certain sentiment de doute subsiste dans son for intérieur quant aux possibilités de publication qui lui offre Patin, et qu’il ne s’empêche pas d’exprimer à son ami Jules quelques jours plus tard:

Oui, je voudrais bien que C.V. Parût au Figaro; mais en dépit des bonnes dispositions de Patin rien n’est encore certain”(34).

Cette méfiance fait en sorte que, suite à la recommandation de Jules Mouquet (?) il se décide à solliciter l’appui de Fréderic Lefèvre(35) afin qu’il “intervient auprès de Noël Sabord ”(36), journaliste au journal Paris-Midi. Varlet se tourne aussi vers la N.R.F., et ce malgré le fait qu’il ne le considère pas comme le meilleur des choix à cause de la difficulté qu’il a pour s’y faire payer son dû provenant des ventes d’Un Éden cannibale (sa traduction de Typee: A Peep at Polynesian life, le premier livre de Herman Melville):

Je suis allé hier à la N.R.F. porte le MS de C.V. J’aurai une réponse d’ici un mois”(37).

À suivre

8, 9-Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 1 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 169.

10- Franc-Noahin /1872-1934): De son vrai nom Maurice Étienne Legrand. Écrivain et poète, il fut rédacteur en chef de l’Écho de Paris.

11- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 2 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 170.

12- Jacques Patin: directeur du supplément littéraire du Figaro.

13- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 2 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 170.

14- José Almira (1895- ?): Politicien, homme de lettres et publiciste d’origine espagnol. Il fonda en 1925 les Éditions Radot.

15- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 2 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 170.

16- Fernand Divoire (1883-1951): Écrivain et journaliste, il fut secrétaire général de L’Intransigeant et rédacteur en chef du Journal littéraire.

17-Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 4 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 171.

18- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 12 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 172.

19- J. Poirier: Gérant du Temps, quotidien français disparu à la fin 1942.

20- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 4 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 171.

21, 22- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 12 août 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 172.

23- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 13 septembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 176.

24- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 16 octobre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 180.

25-Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 24 octobre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 181.

26- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 7 novembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 183.

27, 28- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 11 novembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 184.

29- Noel Sabord (1882-1949): De son vrai nom Léon Bordas. Journaliste et critique littéraire à Paris-Midi.

30- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 19 novembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 186.

31- Robert de Flers (1872-1927): Directeur littéraire du Figaro dès 1921 jusqu’à sa mort le 30 juillet 1927.

32, 33- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 20 novembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 187.

34-Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 24 novembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 188.

35- Fréderic Lefèvre (1889-1949): Romancier, essayiste et critique littéraire. Un des fondateurs des Nouvelles littéraires, hebdomadaire dont il sera le rédacteur en chef de 1922 jusqu’à sa mort en 1949.

36- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, décembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 192.

37- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Paris, 17 décembre 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 196.

 

Avant la nuit barbare I: Le mauvais sort d’un roman retrouvé.

         « Voici longtemps que nous savons Dieu offensé, et que nous ne cherchons pas à l’apaiser. Ce sont nos crimes qui ont fait la force des Barbares, ce sont nos crimes qui ont amené la défaite des armées romaines. Malheureux qui obligeons la colère de Dieu à se servir des Barbares comme d’un fléau vengeur ! Les légions de Rome ont soumis le monde autrefois, et aujourd’hui nos défenseurs succombent devant des troupes sans discipline dont l’aspect seul les glace d’épouvante… L’esprit frémit à la vue des ruines de notre époque. Voici plus de vingt ans que, dans le vaste pays qui sépare Constantinople des Alpes, le sang romain coule sans interruption. Les Goths, les Quades et les Sarmates, les Alains, les Vandales et les Marcomans sèment la désolation, le meurtre et le pillage à travers la Scythie, la Thrace, la Macédoine, la Dardanie et la Dacie ; ils promènent la flamme et le fer dans les campagnes de Thessalie, d’Achaïe, d’Épire, de Dalmatie, de Pannomie. Que de nobles Romains sont devenus leur proie, que de matrones et de vierges ont été les victimes de leur salacité ! Les évêques réduits en esclavage, les prêtres et les clercs livrés au glaive, les églises saccagées, les autels du Christ changés en mangeoires à chevaux, les restes des martyrs arrachés de leurs sépultures, partout la tristesse, partout les gémissements, partout l’image de la mort…»

Théo Varlet: Avant la nuit barbare. Couverture factice. Voici un savoureux extrait d’Avant la nuit barbare qui ne manquera pas de vous mettre l’eau à la bouche ni de frapper votre imaginaire. Le roman vient d’émerger des ombres du passé pour définitivement quitter la liste de ce quelques ouvrages de Théo Varlet dont toute trace avait été oubliée. On pensait que le projet de publication de cet écrit n’avait en aucun moment dépassé le stade du simple manuscrit et que celui-ci avait été égaré ou détruit durant l’époque trouble que la France allait traverser peu après sa mort.

Quelques indices confirmaient son existence certaine: il figurait dans les bibliographiées composées à l’occasion de la publication d’Ad Astra (Messein, 1929) et de Douze Sonnets et un Poème (Mercure de Flandre, 1929), de même que dans celle dressée par Félix Lagalaure lors de la parution de Théo Varlet (1878-1938). Sa vie – Son œuvre (L’Amitié par le Livre, 1939), un émouvant panégyrique qui permettait d’augurer un avenir plus heureux en ce qui a trait à la préservation de son legs littéraire.

Il ne s’agissait d’ailleurs pas du seul inédit dont on signalait la publication à venir; d’autres travaux y étaient indiqués: Cosmica (Fusées), Lunaires (des poèmes), Mémoires et Correspondance, un roman inachevé intitulé Cléopâtre(1) et Les naufragés d’Éros, une suite à La grande panne qui paraitra, de manière posthume, sous le titre tapageur d’Aurore Lescure pilote d’astronef (L’Amitié par le livre, 1943).

Pourtant, l’annonce de la parution d’Avant la nuit barbare avait été faite deux ans plus tôt sans qu’on semble l’avoir retenu, ce qui ne doit pas nous étonner car, en réalité, il l’avait été sous un autre titre qui, de façon conceptuelle, l’éloignait de celui qui allait être choisi plus tard et qui était si important qu’il faisait penser à un tout autre ouvrage.

Ainsi, dans la bibliographie apparaissant dans son roman Le roc d’or (Plon, 1927), qui a peut-être été celui qui a remporté le plus de succès, il y a un roman intitulé Christus Vincit qui est cité parmi les œuvres en prose à paraître. Cette bibliographie sera limitée aux seuls romans considérés d’aventure, c’est-à-dire, Les titans du ciel, L’agonie de la terre, La Belle Valence et La grande panne, lorsque la même maison d’éditons le fera réédité cinq années plus tard en 1932.

Christus Vincit est également absent de la bibliographie des volumes édités ultérieurement, tels qu’Aux paradis du hachich (Malfère, 1930), Le nouvel univers astronomique (Malfère, 1934) ou le ci haut mentionné Aurore Lescure pilote d’astronef (L’Amitié par le livre, 1943), où n’y figure que l’essentiel de la production varlettiene.

Finalement, un autre fait surprenant est, par exemple, qu’il soit manquant dans l’Anthologie d’A.-M. Gossez Les poètes du XXe siècle (Eugene Figuier, 1929) où l’ouvrage l’Éther consolateur, paru sous le nom de Willy , lui est clairement attribué. Quelles sont les raisons de ces omissions?

***

L’écriture d’Avant la nuit barbare a dû débuter à l’été 1926 lors d’un des séjours habituels de Théo Varlet à Saint-Valéry-sur-Somme, lieu de villégiature situé dans la région du Nord-Pas-de-Calais. C’est au moins ce que l’on peut conclure à la lecture d’une lettre datée du 18 février 1927 et adressée à son ami Jules Mouquet. Cette lettre, comme beaucoup d’autres, est aujourd’hui conservée à la Bibliothèque Municipale de Lille. Malheureusement, celles qui ont dû la précéder sont manquantes. Ceci nous empêche aujourd’hui de connaître la date exacte à laquelle le roman a été entamé, mais également le moment précis où l’idée même du sujet a germé dans sa tête.

En revanche, il est facile de constater le mauvais pied sur lequel le roman est parti:

La difficulté spéciale d’un sujet comme «Christus vincit», et surtout l’imprudence de vouloir me mettre à l’écrire prématurément… ont été responsables (…) de ces mauvais jours…”(2).

Cette difficulté va aussi être le prélude à une longue route parsemée d’obstacles qui auront pour conséquence de compromettre sérieusement sa santé et le flux et qualité de son activité créatrice.

    Théo Varlet: Le roc d'or. Paris: Plon, 1927. Ouvrages du même auteur.     Théo Varlet: Ad Astra et autres poèmes (1926-1928). Paris: Albert Messein, 1929. Ouvrages de Théo Varlet.

L’atmosphère chaleureuse de sa retraite cassidienne retrouvée à la suite d’un séjour à Paris, Varlet est convaincu d’avoir récupéré le courage nécessaire pour reprendre l’écriture de son roman, délaissée depuis quelques mois:

Ici enfin, les temps sont venus, et je vois l’œuvre réalisée: je n’ai donc plus qu’à l’écrire… À présent, cela progresse en joie, et il faudrait des événements graves pour interrompre la composition, désormais… Inutile de dire que j’ai supprimé impitoyablement tout ce qui avait été écrit à St-Valery. Le ton n’y était pas encore. Je crois l’avoir trouvé”(3).

Des “événements graves” auront pourtant lieu, car un des obstacles auxquels Varlet devra continuellement faire face, est celui de subvenir à ses besoins tout en trouvant le temps et le calme nécessaires à l’accomplissement de son œuvre personnelle:

Oui, « collaborer en même temps à de petites revues pour la gloire, et aux journaux et revues sérieuses pour le profit », j’adopterais volontiers la formule. Mais en attendant, comme nuls journaux ni revues sérieuses ne me demandent de copie, et que je m’abstiens de plus rien donner aux petites revues, je me sens coupé de la vie littéraire, et cela ne contribue pas à rendre attrayante la période actuelle, qui reste plus ou moins sous le signe fâcheux inauguré à St-Valery et confirmé à Paris… Période d’aridité spirituelle, de non-état de grâce que j’avais crue enrayée par le retour à Cassis, mais qui se réaffirme, au grand dam des progrès de Christus vincit”(4).

Varlet s’enlise dans une période moralement désastreuse, “la pire que j’ai connue depuis des années… et rien n’avance, donc”(5). Des mois durant, il essaiera d’éviter tout commentaire au sujet de Cristus vincit, esquivant même les requêtes de son ami:

Cristus Vincit? – Non, mon cher Jules, je ne veux pas vous assommer avec des détails sans intérêt…”(6).

Dès lors, c’est le silence! Et il n’en parlera à nouveau que beaucoup plus tard dans une lettre envoyée depuis Paris le 1 août 1927. Il a alors l’air d’avoir retrouvé le calme et semble traverser une excellente période de sa vie. Il a réussit à placer ici et là des articles bien payés qui auront pour effet de renflouer ses finances. Un de ses romans personnels, Le roc d’Or (Plon, 1927), initialement paru en feuilleton dans le Figaro (7), semble avoir récolté un joli succès et se trouve sur le point d’être publié en volume sous les presses des Éditions Plon. Il est parvenu tant bien que mal à conclure l’écriture de Christus Vincit et l’emporte avec lui à Paris dans sa malle.

Commence alors un long pèlerinage durant lequel Théo Varlet va désespérément essayer de lui trouver preneur.

À suivre

1- Renard, Paul. “Un roman inédit et inachevé de Théo Varlet: La reine Cléopâtre”. Nord’. Revue de la Société de Littérature du Nord. Paul Renard directeur. Lille: nº 40, décembre 2002: 91-98.

2, 3- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet.Cassis, 18 février 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 156.

4- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 4 mars 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 157.

5, 6- Lettre de Théo Varlet à Jules Mouquet. Cassis, 6 avril 1927. Bibliothèque municipale de Lille. Médiathèque Jean Levy. Fond Jules Mouquet, dossier MS C 195 II – 161.

7- Lire la  préface et la postface d’Éric Dussert à son édition de cet excellent roman: Théo Varlet. Le roc d’or. Talence: Éditions de l’Arbre vengeur, 2014.