Théo Varlet poète de Proue

Depuis ses débuts d’écrivain, Théo Varlet collabora à un grand nombre de revues littéraires. Il contribua tout d’abord à l’Essor, petite publication universitaire fondée en Les Bandeaux d'Or. Nº XXIII. Janvier 1913. Couverture avant.décembre 1897 par Eugène Perdu, dont il assurera la direction à partir du troisième numéro. Son départ inattendu de Lille, au tournant du siècle, pour aller s’installer sur les rives de la Mer du Nord et parcourir en chemineau une partie de l’Europe et certaines contrés méditerra-néennes, ne lui empêchera pas de participer très activement à deux autres revues provinciales plus tard déménagées à Paris: Le Beffrois, fondé par Léon Bocquet, A. M. Gossez et Edmond Blaguernon, et Les Bandeaux d’Or, dont Varlet fut le cofondateur avec Pierre-Jean Jouve et Gustave Charpentier avant que le poète Paul Castiaux n’en assuma la direction en 1908. Aucune des deux ne survivra pas à la Grande Guerre de 1914-1918. D’autres revues telles L’Île Sonante, L’Art Libre, Pan, Le Divan, Les Facettes, La Rénovation esthétique, La Revue septentrionale, etc., vont elles aussi accueillir une bonne partie de sa production tout au long de cette période.

C’est à Cassis, en son Mas du Chemineau, que Théo Varlet restera cloîtré pendant toute la durée de la guerre. Il ne publie guère mais il écrit sans répit. Ses travaux vont se nourrir des images paniques suscitées par les magnifiquesLes Humbles. Pour Henri Gulbeaux. Juin-juillet-aout 1924. Couverture avant. paysages de la région, des observations de son ciel télescopique autant que du microcosme  aperçu à travers la lentille de son appareil microscopique et, tout particulière-ment, des émotions provoquées par une guerre dont les horreurs vont choquer et exacerber sa conscience d’homme et d’esthète comme jamais auparavant. Il s’adonne aussi à la traduction d’un bon nombre d’œuvres représentatives de la littérature anglo-saxonne, notamment celles de Robert-Luis Stevenson, auteur avec qui il partage le goût de l’aventure et l’amour des grands espaces et des paradis lointains.

Son retour en force aura lieu en 1920. Théo Varlet se voit publier pas moins de dix volumes de ses vers et proses ainsi qu’une douzaine de traductions dont le célèbre Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome. Les lecteurs de revues littéraires verront eux aussi son génie rayonner à nouveau. Des revues très diverses dont certaines à vocation humaniste et sociale voir à claire penchant anarchiste, telle que Les Humbles de Maurice Wullens. Des revues qui, comme Vouloir, L’Age Nouveaux, La Pensée française, L’Esprit français ou La Vivo Universala, vont lui permettre d’exprimer le tréfonds de sa pensée cosmique et ses aspirations libertaires et pacifistes.

Ce mode de pensée est tout en syntonie avec ce qu’il croit être le rôle du poète, celui de tracer les voies vers la connaissance, de découvrir et de transmettre tout ce qu’il y de beau dans le monde et dans les cœurs des hommes. Le poète a un devoir des plus nobles; il est le pilote d’un monde qui s’égare, habité par des êtres trop souvent épris de futilités et trop enclins à se laisser dominer par ses passions et ses instincts. Et il n’a pour ce faire que les mots et le rythme.

La Proue nº 6. Mars-avril 1930. Couverture avant.La Proue nº 6. Mars-avril 1930. Poème-hommage de Théo Varlet.

C’est là la mission dont La Proue va s’investir avec à sa tête Marcel Chabot, poète indépendant et homme libre, toujours prêt à ouvrir les pages de sa revue à toute forme d’expression poétique sensible, humaine et musicale. Théo Varlet y fera souvent l’objet d’une attention particulière depuis le 5ème numéro de janvier-février 1930 jusqu’à sa mort en octobre 1938. Marcel Chabot lui-même se fait souvent l’interprète de ses poèmes lors des soirées poétiques tenues de façon périodique dans la salle de fêtes de la revue. L’admiration a sans doute été récirpoque, comme en témoigne ce poème de Varlet paru au 6ème cahier de mars-avril 1930 plus tard repris dans le numéro anthologique de l’année 1935:

À la Proue…

Haines et désespoirs, noués à fond de cale,

Matelots au poing dur, noirs sautiers, chefs vampires:

Ivre Léviathan dans l’Éther sans escale,

Vire impudiquement la Terre sur sa spire:

Et, – sous ces milliards d’yeux, autres nefs sidérales

Qui nous guettent, Véga, Sirius, Altaïr,

Et crient: “Que faites-vous, là-bas?… Votre idéal? ”  –

Râle: “Gagner, tuer, être, envier, jouir !”

Mais, à l’avant cabré vers un destin suprême,

Par-dessus les hoquets obscènes du blasphème,

Monte le chant plus pur de notre humanité:

Les Poètes de Proue, tes vrais pilotes, Terre!

Promulguent, du zénith au nadir de l’Éther,

Cosmique et rédempteur, l’amour de la Beauté.

La Proue nº 35. Recueil à caractère anthologique pour l'année 1935. Vers de Théo Varlet.

Tel un nouveaux Prométhée, le Poète se doit d’apporter la Lumière à cet Ivre Léviathan, qu’à l’image du steamer de Victor Hugo dans La légende des siècles, ne cesse de dériver dans l’espace infini avec, à son bord une Humanité victime de son aveuglement et de ses propres excès.

Merci aux Poètes…!

2 Commentaires (+ vous participez ?)

  1. Adam Craponne
    Oct 14, 2016 @ 05:39:20

    Maurice Wullens né le 29 janvier 1894 à Esquelbecq (Nord) et mort en février 1945 à Socx (Nord). Instituteur dans le Nord en 1914, intégré en région parisienne du fait invasion du village où il enseigne. Second du Mouvement Freinet dans l’Entre-deux-guerres, il enseigne à Paris.

    Son ultra pacifisme, prolongé par des écrits collaborationnistes, aurait pu lui valoir de sérieux ennuis à la Libération, si très malade déjà début 1944 il n’avait pas eu de plus « la bonne idée » de décéder.

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